[WoWRPG] Histoires diverses.

HRP -

Vous retrouverez ici, tous les dimanches, une nouvelle histoire issue des deux éditions du jeu de rôle papier Warcraft. Beaucoup de choses ont été dites sur ces deux gammes, parues de 2003 à 2008. Les forums officiels et non-officiels sur l'univers Warcraft sont pleins de traductions partielles de l'histoire du monde, des descriptions des races, de leur culture, parfois même des règles de jeu. Mais personne jusqu'ici, à ma connaissance, ne s'est intéressé aux nombreux encarts qui égrènent les pages de ces livres.

On y trouve, en effet, un certain nombre de petites histoires, centrées sur un ou plusieurs personnages, qui forment des courts récits. Leur lecture, selon les auteurs, est censée reposer l'esprit du joueur qui va se coltiner 400 pages de règles en système d20, tout en lui donnant des exemples concrets de ce que "jouer dans le monde de Warcraft" peut signifier. En outre, ces histoires sont relativement bien écrites, concises, agréables à lire, et leur cohérence est garantie : tout ce qui se trouve dans ces livres a été relu et validé par Blizzard, quand ils ne l'ont pas écrit eux-mêmes. En clair : pour un nouveau joueur qui se demande à quoi ressemble Warcraft, ces textes sont censés donner un bon aperçu non-didactique. Il est terriblement dommage qu'aucune version française n'en ait été proposée à ce jour ; une erreur que je me propose de réparer, au moins en partie.

Je finirai en précisant que la traduction, c'est un vrai métier : je ne prétends pas ici faire du travail de professionnel. J'espère seulement que la lecture plaira aux passionnés qui n'ont pas les livres et/ou le niveau d'anglais requis pour en profiter. Toutes les remarques, critiques et commentaires sont les bienvenus.

Je tiens à remercier Kharess pour sa relecture attentive.


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Des elfes de la nuit abattus étaient dispersés au sol comme des restes de viande abandonnée négligemment. Zaj'tal respira profondément. La forêt avait une forte odeur de sang : l'odeur de la victoire. Il regarda ses guerriers se glisser à travers les débris, fouillant les corps et les édifices en ruine à la recherche d'objets de valeur. Peut-être seraient-ils chanceux et trouveraient-ils le sceptre qu'ils recherchaient. Peut-être devraient-ils continuer à détruire plus de ces êtres répugnants qui étaient autrefois ses aïeux.

Pourtant, quelque chose n'allait pas. Zaj'tal s'éloigna du village, à la lisière de la forêt. Ses sens affûtés bouillonnaient. Ces elfes de la nuit étaient astucieux et sournois. Certains pouvaient aisément se cacher dans la forêt. Ses yeux scrutèrent les ténèbres, mais il ne vit rien. Son poignet se resserra sur son trident, puis il poussa un soupir en grommelant et se retourna, le dos vers les arbres, comme s'il s'était désinteressé. Il avait entendu quelque chose.

Un élan, un cri : “Pour Pandaria !” Zaj'tal pivota et coinça la lame d'une fine épée entre les dents de son trident. Il fit volte-face, mais l'épéiste retira son arme avant que Zaj'tal ne l'ait désarmé. Zaj'tal glissa de quelques mètres en arrière pour observer son adversaire : enfoui dans l'ombre, avec un chapeau à bords larges et des marques tachetées sur le visage. Il portait un long vêtement, et était petit et trapu.

“Tu n'es pas un elfe”, grogna Zaj'tal, glissant sur le côté, obligeant son adversaire à entrer dans le clair de lune. “Qu'est-ce que tu es ?
- Je suis Shinjo Grandepatte, créature”, répondit l'épéiste avec un curieux accent, “pandaren danseur de guerre.” Shinjo entama un ballet de mouvements, de long en large, entaillant la tête de Zaj'tal tandis que l'ourson bondit au-dessus de lui. Zaj'tal dévia et tendit une main en l'air, déchirant les vêtements et la chair avec ses griffes. Il se retourna et attaqua Shinjo par derrière au moment où le pandaren atterrit, mais Shinjo était trop rapide et roula sur le côté, s'exposant complètement au clair de lune.

“Pandaren”, réfléchit tout haut Zaj'tal, fixant son adversaire du regard et regardant les balafres griffées le long de son ventre. “J'ai entendu parler de ton espèce, mais je n'en avais encore jamais vu. Je pensais que vous n'étiez dans aucun camp. En quoi ce que je fais à ces elfes te concerne-t-il ?
- J'ai des amis parmi eux !” s'écria Shinjo, et il se jeta en avant. Zaj'tal para facilement, une fois, deux fois.
“Je crois, petit panda”, gronda-t-il, “que tu AVAIS des amis parmi eux.” Il para à nouveau, porta un coup, mais Shinjo l'esquiva. “Je suis Zaj'tal des nagas.”

“Je crois”, dit Shinjo, et il était soudain pressé contre le torse de Zaj'tal. Le naga eut le temps d'être surpris avant de sentir un mètre d'acier s'enfoncer dans son ventre. “... Que tu ÉTAIS Zaj'tal des nagas”. Shinjo retourna sa lame, et un frisson de douleur parcourut Zaj'tal.

Le naga serra les dents, du sang dégoulinait de sa mâchoire. “C'est ce qu'on verra, petit panda.” Il entraîna Shinjo dans sa chute et fit tourner un brassard sur son bras. Tous deux disparurent.

Trant releva son casque et dégaina sa hache de guerre. Portant une main à la chaîne autour de son cou, il laissa glisser ses doigts le long des dizaines de griffes qu'il avait prises comme trophées de guerre : une habitude depuis sa première bataille, il y avait plus de dix ans. Cela faisait-il vraiment si longtemps ? “Je ne sais pas pour vous”, grogna-t-il, “mais je pense qu'ils sont plus prêts à mourir que moi !”

Haneth ne fit aucune réponse. Dans son carquois, l'infiltrée choisit un trio de flèches magiques parmi une collection qu'elle avait accumulée au fil des années, et les encocha sur son arc. Les cheveux bruns de Haneth étaient entrecoupés de mèches grises décolorées par la nécromancie, souvenirs de son voyage à travers les Maleterres. Elle avait perdu son époux dans les ruines de la Citadelle Pourpre, face à une simple gargouille que n'importe quelle de ses flèches pouvait à présent détruire en un clin d'oeil.
Trant repensa à leur première rencontre au Nouveau Stromgarde, au sourire de Haneth et à ses yeux dansants, et il se demanda s'il lui avait vu autre chose que des lèvres pincées et un regard d'acier depuis la mort de Stovros.

Vlac se voûta derrière eux, emmitouflé dans sa robe de fourrure alors qu'il versait du sable rouge pour inscrire des motifs complexes au sol. Trant ne pouvait dire s'il avait déjà trouvé le chaman orc jeune, mais il pouvait se souvenir d'une époque où il ne comptait sûrement pas Vlac parmi ses amis. A présent, il faisait confiance à son ennemi d'autrefois plus qu'à quiconque dans sa vie. L'orc avait toujours été doué pour les langues, et cette fois il chantait dans une langue semblable à l'érédûn, chaque syllable du rituel ancien vrombissant comme une corde pincée.

Trant entendit le cri perçant à l'extérieur et redouta qu'il reste trop peu de temps pour que Vlac puisse achever son sort. “C'est maintenant ou jamais, Nuji”, dit-il en donnant un coup de botte au nain.
“D'accord”, dit Nuji. “D'accord, c'est bon, je suis prêt.” Jetant ses outils au sol, le bricoleur souleva un canon presque aussi gros que lui-même. “Je devrais sûrement même pas toucher la gâchette jusqu'à ce que tu lâches le bouclier. Je voudrais pas risquer une décharge alchimique complète---
- Assez, Brisekodo. Allons-nous nous battre, oui ou non ?” se plaint Dolmont. Être l'un des rares humains à avoir jamais été entraînés par des assassins de la Horde faisait de lui, au mieux, un allié dangereux. Il avait beau avoir transformé son corps en une vraie machine à tuer, il avait conservé la même tignasse noire que celle dont Trant se rappelait de leurs souvenirs d'enfance, et la même incandescence dans ses yeux. A présent ses épées courtes luisaient d'une flamme bleutée, aussi assoiffées de sang que celui qui les maniait.

Trant jeta un dernier coup d'oeil à ses compagnons dans la petite hutte, autrefois une bande d'amis venus du fin fond de nulle part, à présent devenus les fugitifs les plus recherchés sur un autre monde. “On ne pourra pas t'accorder beaucoup de temps, Vlac”, prévint-il, et il reçut pour seule réponse le léger hochement de tête auquel il s'attendait.

Trant étouffa le cierge à ses pieds et les murs de la structure invoquée s'évanouirent pour révéler le ciel sombre de l'Outreterre et les huit dragons du Néant qui les encerclaient. Au-dessus des dragons, un wyrm du Néant adulte lâcha un souffle de feu verdâtre qui vint s'écraser contre les dernières bribes de l'aura protectrice de la hutte.

Nuji ouvrit le feu à son tour et toucha le wyrm, tout en projetant le bricoleur en arrière presque dans le cercle runique à présent lumineux de Vlac. En quelques secondes, les flèches de Haneth surgirent parmi les drakes, les recouvrant de vagues de glace scintillante. Tandis que Trant se frayait un chemin vers les créatures immobilisées avec sa hache de combat, Dolmont utilisa l'un des drakes congelés comme tremplin pour bondir sur un autre encore dans les airs, et il enfonca ses lames profondément.

Le talent et l'expérience leur suffirent à éliminer la moitié de leurs ennemis dès les premières secondes de la bataille, mais il restait les autres, et leur mère rugissait pour alerter d'autres rejetons de sa progéniture. “Reculez !” cria Vlac, s'écartant alors que le cercle qu'il avait dessiné surgit dans les airs et se réfléchit lui-même six fois. L'air se fendit dans l'écho d'un bruit sec lorsque les reflets se rejoignirent pour former un autre cercle plus large. Derrière un voile scintillant, Trant put voir une étendue d'eau vaseuse entourée d'herbe marécageuse. Âprefange, peut-être... en tout cas, certainement quelque part en Azeroth. Vlac avait déjà emmené Nuji avec lui à travers le portail, et les deux s'étirèrent puis disparurent lorsqu'ils franchirent la barrière entre les deux plans. Dolmont suivit de peu. Trant saisit Haneth par le coude après qu'elle eût décoché un dernier tir en direction du wyrm du Néant, et courut vers le portail. Il grommela : “Je donnerais tout l'or des Azotha* pour un instant de calme”, avant de basculer dans le vide...



*NdT : Les Azotha étaient une race descendante des vrykuls et ancêtre des humains, qui vécut avant la Grande Fracture. Ils sont connus dans les légendes pour l'or qu'ils auraient possédé en grandes quantités.

Rogno flanqua un coup dans l'entre-jambes du furbolg, puis plongea sur le côté. Le grand ours poussa un hurlement plaintif. Lorsque Rogno roula au sol, il entendit un bruit lourd ; peut-être le furbolg avait-il lâché sa lance. Ou bien c'était lui qui tombait. Rogno sourit en s'emparant de son marteau de guerre tombé à terre et se remit sur ses pieds. Il bondit en l'air et tourna à nouveau le visage vers le furbolg.

Il était à moins d'un mètre. Rogno observait une immense muraille de muscles recouverts de fourrure. Bon sang.

Rogno eut le temps de penser à relever son marteau pour frapper avant que le furbolg ne lui assène une grande baffe à la tête. Son marteau tomba au sol. Des étoiles chancelèrent devant ses yeux ; Rogno se sentit mal. Cette sensation ne fit que s'accroître lorsque deux grandes pattes le saisirent sous les aisselles et le soulevèrent.

La vue de Rogno redevint claire alors qu'il se trouvait face-à-face avec le furbolg. Il plissa les yeux. “La barbe, mais c'est qu'on est sacrément affreux, dis donc !” Il sourit en présentant au furbolg plusieurs dents en or, plusieurs dents en argent, une ou deux dents en sombrefer, et même une paire de dents en véritable dent.

Le furbolg cria quelque chose dans son rugissement d'ours, et Rogno sentit son souffle chaud dans ses cheveux et dans sa barbe. Son haleine sentait l'animal crevé. “J'te le dis, mon gr---” Rogno s'arrêta soudain lorsque le furbolg commença à le secouer. Des dents métalliques se mirent à claquer. Puis le furbolg se dressa en arrière et balança Rogno à six mètres ; le monde devint flou lorsqu'il heurta un arbre. Rogno entendit un craquement. Il espéra qu'il s'agissait de l'arbre, et non de sa tête.

“Foutus ours”, marmonna-t-il en heurtant le sol. “Et on s'demande pourquoi on chasse ces saletés.”


Rogno ouvrit les yeux. Il fut un peu surpris de pouvoir le faire, après avoir été jeté contre un arbre par un furbolg géant et furieux. Quelque chose tomba sur son épaule. Il se déroba et agit par réflexe : sa main se leva vers la chose et s'en saisit. Il la porta devant son visage et l'examina. Jusqu'à quelques secondes à peine, ç'avait été un écureuil ; à présent, c'était une crêpe sanguinolante à poil gris. Il avait dû se trouver entre lui et l'arbre lorsqu'il l'avait écrasé. Il avait amorti l'impact. C'était un coup de chance. Enfin, pour Rogno.

Il lança un regard en hauteur. Le furbolg se trouvait à six mètres, grognant une incantation, et une lumière verte tournoyait autour de ses griffes. Bon sang. Rogno bondit sur ses pieds, la tête lui tournait. Il entendit un craquement derrière lui lorsque le furbolg élança ses griffes en avant et déchaîna un rayon de lumière argentée. Rogno poussa un cri et lança l'écureuil écrasé sur la trajectoire du rayon. Il eut le temps de voir le squelette ratatiné entouré de lumière blanche avant que le sort ne l'atteigne, le soulevant un mètre en l'air et le projetant à nouveau contre l'arbre.

Rogno atterrit sur ses pieds. Il cligna des yeux et sentit l'odeur des cheveux brûlés.
“T'as roussi ma barbe, espèce d'étron sur pattes infect !” Il leva le poing vers le furbolg. Il fit deux grands pas en avant tout en vociférant. “J'vais t'arracher l'museau et t'l'enfoncer jusqu'au... euh...” Le craquement derrière lui se fit plus bruyant et fut accompagné d'un gémissement et d'une fissure. Rogno s'arrêta et tourna la tête. L'arbre dans lequel il s'était écrasé se tortillait. Des racines puissantes s'extirpèrent du sol. Des branches secouèrent et descendirent, formant des bras épais. Deux yeux en colère, surgis d'un visage dans l'écorce, observaient longuement. “Ah, saleté”, murmura Rogno. Il retrouva sa vigueur.

L'Ancien frappa à toute volée avec un bras immense, mais Rogno fit un pas en avant et bondit. Ses gros doigts et orteils trouvèrent des fissures dans l'écorce de l'Ancien. Il grimpa vers le haut, en espérant que ce grognement distant n'était pas le furbolg en train de préparer un autre sort. Quelque chose vint s'abattre violemment sur son dos ; son visage s'écrasa contre le tronc et s'écorcha en plusieurs endroits. Rogno marqua une pause, toussa, puis continua son escalade. Il se précipita lui-même dans les hautes branches de l'Ancien, disparut dans sa voûte boisée, puis ouvrit un passage dans les branches et regarda en contrebas. L'Ancien chancela en essayant de faucher le nain dans ses branches. Le furbolg lança un autre rayon de lumière, et Rogno s'abrita derrière une branche. Le sort toucha l'Ancien, et Rogno sentit l'odeur du bois brûlé. L'Ancien oscilla follement ; Rogno s'agrippa aux branches.

“Pas un bon coin pour moi, tout compte fait”, murmura-t-il. Il refit le tour de la branche et braqua son regard sur le furbolg en bas, les yeux plissés. Sa vue était secouée tandis que l'Ancien se crispait et balançait ses bras dans tous les sens. Lui et le furbolg se verrouillèrent du regard. Rogno jeta un regard mauvais. “Un peu plus près, espèce d'arbre, un tout petit peu plus près... BRAAAAAAH !” Rogno surgit de la branche, à bras et jambes écartées, s'abattant tel la fureur des titans.

Des flammes dansaient follement dans les yeux noirs de Zul'ajik. Le sorcier-docteur basculait la tête d'un côté à l'autre en émettant des sons qui évoquaient le crépitement du feu de camp devant lui. Il remua, et de la lumière surgit brusquement du crâne de gobelin en bronze à la pointe de la lance qui se trouvait entre ses genoux. Le crâne sourit à Gimbolt Sûrmarteau, qui rendit le sourire et le regard.

Gimbolt détourna finalement les yeux, pour croiser ceux de Maer-thiss. Les lèvres de l'elfe de sang formèrent un sourire en tremblant alors qu'il observait le malaise de Gimbolt.
“C'est de la folie,” siffla le nain. “Qu'est-ce qu'il fait, ce charlatan ? Il doit avoir pris trop de ces champignons.” Gimbolt indiqua la grappe de champignons bleus vénéneux qui poussaient à l'extérieur de la tente du sorcier-docteur. “Jamais fait confiance aux trolls. Et c'est pas prêt de changer.
- Silence”, répondit Maer-thiss. “S'il peut nous dire ce que nous avons besoin de savoir, je me moque qu'il soit drogué... ou revanchard.” L'elfe jeta un oeil au crâne de gobelin en bronze et ses lèvres tremblèrent encore d'irritation.

Le nain tenta vainement d'ennuyer Maer-thiss en poussant un long soupir, puis il détourna les yeux du troll à la peau bleue. Il jeta un coup d'oeil rapide au camp vide, uniquement pour avoir autre chose à regarder. De grands piquets en bois marquaient les limites circulaires du camp, chacun arborant un crâne de gobelin. Sur certains crânes, il restait des morceaux de chair. Gimbolt ne savait pas pourquoi le troll détestait les gobelins avec une telle véhémence. Il trouvait les gobelins plutôt amusants. En fait, il dirait que les gobelins étaient ses préférés parmi toutes les races... douteuses qu'il était maintenant forcé de côtoyer. Y compris les elfes de sang.

En tout cas, ils avaient au moins découvert cette haine curieuse du troll avant d'entrer dans le camp. Si Zul'ajik avait vu Ziggler, la situation aurait pu devenir compliquée. Mais pour une fois le gobelin s'était montré extrêmement prudent et avait accepté de rester hors de vue. La dernière fois que Gimbolt avait regardé Ziggler, le gobelin était en train de bricoler sa dernière invention : un humanoïde fait de rouages et de vapeur, avec une barbe brune collée dessus et des mains peintes en argent. Gimbolt trouvait ça curieusement flatteur.

“Ooh, j'ai contacté les esprits, mec.” La soudaine exclamation du troll fit tourner d'un seul coup la tête de Gimbolt. Les yeux du nain se plissèrent en remarquant que l'elfe idiot se penchait de plus près pour absorber chaque mot. Le troll poursuivit : “Ils vous montreront l'chemin. Ils vont me l'dire, et j'vais vous guider.
- Jusqu'au puits du démon ?” demanda Maer-thiss, et son impatience était palpable. Une fois de plus, Gimbolt s'interrogea sur le choix de ses compagnons de route.
“Ouais, mec. Jusqu'au puits du démon.” Zul'ajik était toujours en transe lorsqu'il se leva et regarda vers le sud. “Si vous---”

“Yaaaaaahh !” Le troll fut interrompu par un cri aigü et familier. La dernière création de Ziggler, crachotant bruyamment et soufflant à pleine vapeur, surgit et descendit la pente en tanguant avant de renverser deux des horribles piquets. La tête mécanique de l'engin était coiffée de Ziggler lui-même, avec un sourire maniaque sur le visage. Des champignons bleus dépassaient de l'étui de sa ceinture.

Zul'ajik hurla. “Pourquoi vous avez amené le gobelin ici ?” Maer-thiss bondit sur ses pieds. Les yeux du troll étaient clairs à présent, et il tremblait de rage. Il pointa sa lance frémissante sur Maer-thiss. “Je vous tue !
- Non, Zul'ajik, je---” Maer-thiss fut interrompu lorsque la création de Ziggler lui fonça dessus par derrière. L'elfe de sang mordit la poussière, et le nain mécanique continua sa marche, en écrasant les côtes, l'échine et la tête de Maer-thiss avec ses jambes à propulsion.

Ziggler gloussa lorsque la lance du troll rebondit contre sa création. Tirant sur un levier, il pilota l'engin en direction de la tente de Zul'ajik, où il mit à sac tout le bâtiment. Le sorcier-docteur laissa un hurlement haineux s'échapper de sa gorge tandis qu'il observait la petite créature piloter le nain mécanique dans la nuit, tirant derrière elle les restes de la tente.

Gimbolt, qui était resté la mâchoire décrochée durant toute la scène, revint à lui. Il se mit à courir après Ziggler après avoir rapidement examiné les options qui s'offraient à lui, et il fit un geste grossier en passant devant le troll.
Maer-thiss releva son visage égratigné du sol. Zul'ajik lança un regard mauvais en tirant un couteau en os de sa ceinture. “Je suis avec toi”, dit l'elfe de sang. “On tue les deux.”

[Deux textes cette semaine, en raison de leur faible longueur.]


Doth'jin se tenait caché derrière l'arbre, un arbre qu'il avait choisi pour sa position avantageuse idéale. Il savait qu'un convoi elfique était en route. Serrant dans son poing sa courte hache, il observait attentivement à travers les feuilles en attendant la caravane prévue. Ses jambes étaient engourdies d'avoir passé des heures ainsi en alerte, mais il savait qu'il pourrait les bouger avec rapidité. Les trolls des forêts étaient robustes.

Le grincement des roues se fit entendre, et Dol'jin eut un sourire affreux. Il pouvait presque sentir le sang de l'elfe en contrebas. Pliant des jambes raides de fatigue, il prononça une prière rapide avant de jaillir de l'arbre, poussant un cri de guerre tandis qu'il plongeait vers un glorieux combat.



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“Nous ne pouvons plus le permettre,” lâcha Sire Bestor. Il frappa du poing sur la table. “Chaque jour les damnés se rapprochent. Et ils semblent toujours informés de nos plans.”
Les trois autres chevaliers hochèrent la tête. “Quel est votre plan ?” demanda le plus jeune.
“Nous ne leur donnerons pas le temps de faire leur reconnaissance,” dit Sire Bestor. Il tira au clair sa magnifique épée rougeoyante, dont l'acier luisait comme du sang à la lumière de la lampe. “Nous partirons ce soir, nous chevaucherons jusqu'à leur campement, et nous ferons mordre la poussière à ces abominations.”
Les jeunes chevaliers lancèrent une acclamation. “Pour la Croisade Écarlate !”

Un courant d'air traversa la pièce. Un volet s'ouvrit brutalement. Les chevaliers tressaillirent et se tournèrent vers la fenêtre. Aucun d'entre eux ne remarqua l'ombre qui descendait du plafond.
La lampe s'éteignit. Un chevalier poussa un cri, et le bruit des épées dégainées résonna à travers la salle. Le plus jeune des chevaliers tâtonna jusqu'à trouver la lampe. Le fracas d'une armure heurtant le sol retentit dans la pièce. Quelqu'un gargouilla.

Le chevalier fit une étincelle sur sa pierre à briquet et la flamme de la lampe revint à la vie. Les deux autres chevaliers contemplèrent le corps de Sire Bestor, étendu mort sur le plancher.
Le plus jeune chevalier vit l'ombre voltiger derrière les volets. Il courut à la fenêtre et balaya les ténèbres du regard.

La nuit ne lui permit de rien voir. L'assassin s'était enfui.

Var'thal se laissa tomber contre la tête imposante d'une statue, dont la masse couverte de mousse et de plantes rampantes était tombée sur le sol de la forêt plusieurs siècles en arrière. Repu et exténué, il laissa sa respiration se calmer et observa les environs immédiats pour la première fois.

Le tronc d'un arbre autrefois puissant était voûté par-dessus la petite clairière, l'une de ses extrêmités émergeant d'un monticule dans l'obscurité et l'autre reposant sur la tête de la statue. Le soleil disparaissait furtivement à l'ouest, en éclairant d'une douce lueur rouge-orangée la cime des arbres qui s'élevait loin en hauteur. Le grondement continu d'une chute d'eau résonnait à une certaine distance de Var'thal, sur sa gauche. Les cris de violence à présent dissipés, l'air s'emplissait à nouveau des chants d'oiseaux et du bruissement des créatures de la forêt.

Le traqueur gangrené gisait sans vie sur l'herbe luxuriante à l'ombre de la statue, le glaive de guerre de Var'thal enfoncé dans l'oeil unique qui lui avait lancé un regard lourd il y avait seulement quelques minutes. La large bouche de la créature, pleine de rangées irrégulièrement dentelées, demeurait grande ouverte, signe de son cri d'agonie effarouché et perçant. Alors que Var'thal étudiait la créature, il vit que sa peau -ou plutôt, sa forme tout entière- semblait décolorée, creuse et ratatinée au point qu'il pouvait en distinguer la forme des côtes.

Quelle chasse !

Les images de leur dernière lutte désespérée repassèrent dans l'esprit de Var'thal. La poursuite à travers l'épaisse forêt. Le traqueur gangrené déboulant dans la clairière et hurlant sous l'excitation d'une prochaine mise à mort. Le traqueur bondissant tout droit sur Var'thal, accroupi dans les ténèbres sous le tronc de l'arbre abattu. Var'thal effectuant une roulade sur sa gauche, se relevant sur ses pieds, fonçant à l'opposé de la clairière. Le traqueur atterrissant, surpris, puis se retournant pour faire face à sa proie. Il s'accroupit, prêt à bondir à nouveau, puis se précipita d'un geste éclatant. Il sauta une fois, deux fois ; et le glaive de guerre de Var'thal apparut en un éclair de métal, s'enfonçant dans l'oeil du traqueur. La force du coup renvoya la bête en arrière, qui tournoya sur elle-même avant de s'écraser sur le gazon de la forêt.

S'appuyant sur la tête de la statue, Var'thal se redressa, droit et fier. Chaque partie de lui-même brûlait d'une sombre espérance. Il sentait l'énergie démoniaque affluer dans ses veines, un chant flétri de puissance magique, une puissance passée en lui lorsqu'il avait posé ses mains sur le traqueur gangrené alors que la vie le quittait. Jamais Var'thal n'avait connu une telle intensité, une telle force brute.

“Que le Traître et son présent soient bénis”, murmura Var'thal.

Si un seul traqueur gangrené pouvait fournir une telle puissance, qu'en serait-il d'un seigneur de l'effroi ou d'un garde funeste ? Et un érédar ? Ou même l'un de ces insignifiants mages humains ; Jaina Portvaillant elle-même, peut-être ? Et le Roi-liche ?

Var'thal s'agenouilla devant la mâchoire béante du traqueur gangrené et retira son glaive de guerre de la blessure mortelle. Son visage s'illumina d'un sourire mauvais lorsqu'il observa le sang s'écouler le long de la lame responsable de la mort de la bête.

“C'est ton espèce qui nous nourrit à présent, démon”, dit-il. “Vous rendrez les elfes de sang si puissants, que nous pourrons faire payer à ceux qui nous ont abandonnés.

Sois sans crainte, toutefois : je raconterai au Prince notre histoire. Vous resterez... gravés dans les mémoires.”

Nous sommes tombés dans le piège du tauren. Notre groupe pourchassait l'un des monstres qui avaient attaqué notre camp. Le troll de la jungle et ses compères avaient tué trois des nôtres avant que nous n'ayons le temps de rassembler nos esprits. L'ennemi avait été rusé et discret en approchant notre campement en secret. Nos sentinelles furent dupées. On ne peut plus faire confiance à personne, par les temps qui courent ; c'est ça, la vie de bandit.

Nous étions trois fois leur nombre, c'est pourquoi nous vînmes à bout du groupe qui nous avait chassés une fois qu'ils eurent perdu l'avantage de la surprise. Malgré cela, quatre membres de ma bande périrent avant que nous ne puissions démanteler les forces réduites mais efficaces qui nous avaient pris d'assaut cette nuit-là. Malheureusement, leur chef parvint à s'enfuir.

Je le poursuivis, et emmenai certains de mes meilleurs combattants contre l'ennemi qui avait, sans doute en guise de revanche, tué de nombreux membres de ma bande. Nous suivîmes les traces du troll pendant près d'une heure. Même dans la nuit, il était facile à suivre, avec toutes les pousses d'arbres écrasées et le sang qu'il avait laissés derrière lui. J'aurais du me douter qu'il y avait anguille sous roche, les choses étaient bien trop faciles ; mais dans ma furie et ma hâte, je pressai les autres de se dépêcher.

Marka, mon bras droit, déclencha le premier piège. L'explosion d'acide brûla sa chair, recouvrant son visage de cicatrices. Elle jurait encore lorsque j'entendis un cri strident. Je me retournai pour voir l'un de mes combattants s'enfuir de frayeur, son regard partant dans toutes les directions. Je pouvais presque ressentir la magie qui s'était emparée de lui. J'ordonnai de ne plus bouger, mais il était trop tard.

Le troll nous attendait, et il avait de la compagnie. Un tauren portant des vêtements de cuir en lambeaux et une arme gigantesque semblable au tronc d'un arbre apparut. Mes combattants réagirent instantanément en se jetant vers eux. Je criai encore pour maintenir l'ordre de tenir leur position, mais les bandits ne sont pas ce qu'il y a de plus discipliné. Deux d'entre eux tombèrent dans d'autres pièges, leur peau brûlant sous l'acide. Marka cria un avertissement alors qu'elle décochait des flèches en direction du troll, mais notre groupe se trouvait dans la plus grande confusion.

Le troll se cacha derrière un arbre au tronc large et lança des javelots tandis que le tauren incantait un sort qui changea toute la végétation des environs. Un mur immense couvert de lianes épaisses et de ronces apparut devant nous. Marka poussa un autre juron et décocha une dernière flèche, en vain. L'instant d'après, tout était calme, hormis le bruit de notre propre respiration.

Nous avions perdu de vue le troll et son allié tauren. Furieuse, Marka insista pour qu'on les poursuive, mais en dépit de tous ses efforts, aucune trace de nos assaillants ne fut retrouvée. C'était comme si la forêt les avait avalés.

Je savais combien il serait vain de s'aventurer plus loin dans la jungle. Seuls les esprits de ces lieux savaient combien d'autres pièges le tauren avait déployés.


- Extrait du journal personnel de Kenry le Larron

World of Warcraft RPG : Dark Factions, p.75