Une sindorei dans la cathédrale

Dernière rumeur autour de la cathédrale : Des gardes et un moine noctambule auraient aperçu, très tard dans la nuit, deux humaines trainant une sindorei jusque dans le cathédrale. Constatant que l'une des humaines n'était autre que la prêtresse-légat Emiade, il ne sont pas intervenu. Le moine serait ensuite sorti devant l'Eglise et aurait expliqué aux gardes que les deux femmes auraient enchainer la sindorei dans la crypte nord. Tous semblaient très surpris car il ne pouvait s'attendre a un tel comportement de la part de la prêtresse. La deuxième femme étant masquée, personne ne put savoir qui elle était.

- T'es contente de toi j'suppose?
- Contente de t’avoir retrouvée, oui. Contente que tu sois enchainée ainsi, non. Mais tu ne me laisses guère le choix.
- T'as raison. J'te conseille même de m' tuer maint’nant, avant que j'puisse te l'faire à toi, Frangine. *sourire malsain*
- Je sais que tu me hais au point de vouloir me tuer. Mais il va falloir que tu m'expliques pourquoi.
- Te tuer? Haha! Tu sais, y a des trucs pires qu'la mort.
- Je prendrais le risque. Tu es la seule famille se sang que je semble avoir. Je veux savoir ce qui nous a séparées. Alors raconte moi. Après, nous y verrons plus clair.
- J’ai rien à t'raconter, frangine, libère moi ou tue moi. T'as pas d'autre choix.
- Notre père, qu'est-il devenu?
- Tu d'vrais l' savoir. C'est avec toi qu'il s'est barrée c't'ordure. Lui aussi, si j'l'attrape, y va r’gretter c'qu'il a fait d'moi.
- Tu sembles tenir toujours le même discours, Lethaliw. Mais je n’ai jamais connu notre père. Pourquoi dis-tu qu'il m'a choisie?
- Tais-toi! tu mens. Il a préféré une bâtarde comme toi plutôt qu'moi. J'devrais être morte depuis si longtemps que j'crois qu'je l'suis un peux. Mais t'as vu, j'suis là. J'ai juste assez d'vie pour la vengeance. J'me vengerais ou j'mourrais pour de bon.
- Te venger de quoi?
- Me venger d'qui, plutôt. De toi et du père. De vous deux qui m'avez laissée comme une merde dans les égouts d'Lune d'Argent. T'imagine même pas c'que j'ai dû faire et endurer pour survive. Mais la souffrance nous rend fort, hein? je suis dev'nue forte. Hahahaha!
- Lethaliw, je ne vais pas dire que je suis pour rien dans ce qu'il t'est arrivé. Mais je peux te dire que je ne l’ai pas voulu et que je ne le savais pas. Je n'ai jamais connu notre père. Je ne connaissais pas ton existence non plus avant qu'on me la révèle. Quand je l'ai apprise, j'ai voulu tout de suite te connaître. J'ai une soeur, moi qui ne sais même pas où je suis née, qui ne connais pas non plus ma vraie mère. J'ai grandie chez les frère à Comté du Nord, dans une abbaye. Tu vois, je devenue prêtresse et j'ai une grande foi en la Lumière. J'ai espoir que tu vas comprendre et changer d'attitude envers moi parce que je suis ta soeur et que tu es la mienne et que c’est comme ça.
- Cause toujours! T'as l'air d'aimer ça. Blablabla... Dans ta tête j'suis ta soeur. Moi j'ai pas d'famille et j'ai pas envie d'en avoir, surtout avec une bâtarde d'humaine. T'as rien d'une sin'doreï. J'te connais que parce que j'dois t'faire payer qu'tu m'ais volé ma vie. Tu peux m'la rendre?
- Peut-être. Je ne peux pas de rendre ou changer ce qu'il s'est passé. Mais je peux te donner un avenir meilleur que celui que tu as connue. Si tu m'acceptes. Ou même si tu ne m'acceptes pas mais que tu renonces à tes projets de vengeance. J'ai beaucoup à te donner, tu sais?
- Hahaha! À m'donner? D'l'or, des beaux vêtements d'rupin? Une maison à Hurlevent? P't-être un mari d'ta race? J'en veux pas d'tout ça. J'te dis, si tu veux m'donner quelqu' chose, donne moi ta vie, donne moi ta p'tite tronche de prêtresse bien nourrie et que je la r'fasse à ma manière. Donne moi ton corps que j'lui prenne tout c'qu'on a prit au mien. Donne moi ton âme que j'la vide, comme la mienne est vide. Tu sais c'que j'veux? Juste t'faire cuir à p'tit feu au d'ssus des braises et que ça dure le plus longtemps possible.
- Tu m'en veux tant que ça? Tu me fais déjà souffrir. Tu tortures mon coeur qui bat pour toi. Chacun de tes mots est une coup de dague. Chacun de tes rires est un coup de hache qui me tranche en deux. Oh! Lethaliw, tu me fais déjà souffrir et j'accepte cette souffrance si c'est le seule moyen de t'ouvrir les yeux et de te retrouver.
- C'est... pas assez. J' veux qu'tu brûles en enfer pour l'éternité, qu'des démons s'amusent avec toi comme... on s'est amusé avec moi d'puis qu'j'suis née. J'veux...
- Tu changerais d'avis si j'acceptais de souffrir pour toi? Tu ouvrirais les yeux et tu me croirais enfin si je me jetais dans un enfer? Pour te prouver mes dires, je serais prête à satisfaire tes désirs. Tu pourras toujours meurtrir mon corps comme tu le fais déjà pour mon coeur. Mais, Lethaliw, tu ne pourras jamais avoir mon âme. Mon âme vibre pour tout ceux que j'aime. Elle vibre pour toi aussi. C'est ainsi.
- Ton âme... Ne m’fais pas rire. Tu dois pas en avoir. *avec rage* Crève! Va-t-en avant que ma rage de brise mes chaînes. Fuis! Je sens les ténèbres monter en moi... Emiade, va-t-en... va-t-en!

Lethaliw était dans un état entre l’enfer des larmes et celui de la colère. Emiade avait dû toucher quelque chose dans le coeur de sa soeur qu’elle regardait avec une compassion à la fois triste et tendre. Emiade aussi souffrait. Une souffrance silencieuse. Mais au fond de son âme, elle sentait une sorte de joie car la pire des choses qui aurait pu lui arriver serait que Lethaliw, sa propre soeur, ce ressente rien pour elle. La haine que la sin’doreï semblait contenait et dont elle semblait si fière prouvait qu’elle n’était pas indifférente. Si la haine est là, alors l’amour n’est pas loin derrière et, en cet instant, regardant sa soeur en larme et en colère, elle savait qu’il y avait de l’espoir. Restait encore à trouver les mots ou la magie qui la métamorphoserait. La foi peut cela. Mais ce sera long.

- Je trouverais le chemin de ton coeur, Lethaliw. Tu donnes un sens à ma vie, sans le savoir. Tu matérialises à toi seule le combat de toute ma vie. Je t’aime et tu n’y changeras rien. Plus tu ma haïra et plus je t'aimerai. Tu ne fais du mal qu’à toi même. Prend la main que je te tend. Saisie là pour toi, pour que ta vie à toi devienne plus supportable, pour que le bonheur y entre et l’illumine. Prend ma mains, Lethaliw.
- *toujours avec rage* Tais-toi! Va-t-en! Laisse-moi pourrir ici. La paix, j’la trouverai que quand j’te l’arracherai, ta main. Ou quand j’sera morte, peut-être. Va-t-en!

Emiade remonta lentement les lourdes marches qui menaient à la surface du monde, là haut dans le nef de la cathédrale. Le monde réel semblait désormais fermé à sa conscience qui était toute occupée par celle-là qui voudrait l’éteindre. Elle alla s’agenouiller devant l’autel et pria longtemps, longtemps, pour Lethaliw, la sin’doreï, la soeur de sang de la prêtresse de Hurlevent, cette ville sans âme qui se moquait bien de tout cela.